Sink Tank #1 : André Gorz

Vous assistez à quelque chose qui n’a jamais existé jusqu’ici dans l’histoire des civilisations, qui est de vouloir mettre la culture au service de la rentabilité économique. […]

Depuis toujours on appelle « culture » le réservoir d’interprétations, de normes, de traditions, de valeurs à partir desquelles se forment et se structurent votre sensibilité, vos goûts, votre sens du beau, du vrai et du juste. La culture est ce qui vous fournit les critères en vertu desquels vous pouvez décider ce qui vaut ou ce qui ne vaut pas, ce qui mérite d’être fait et ce qui ne mérite pas d’être fait, ce qui mérite d’être l’objet d’une entreprise économique nécessairement rentable et ce qui ne doit pas de faire partie d’une entreprise nécessairement rentable… Alors à partir du moment où les critères d’évaluation de ce que doivent être les buts d’une activité économique et sociale, ces critères d’évaluation sont eux-mêmes soumis à l’évaluation économique sous forme de la question « la culture, est-ce que c’est rentable ? », vous renoncez à tout critère d’évaluation […]

Vous n’avez donc aucune orientation […] Nous en sommes là, nous avons perdu tout repère, tout sens du haut et du bas, du bien et du mal, et finalement la question qui se pose à nous c’est, vu que la rentabilité économique est le critère suprême, « en vertu de quoi est-ce que nous n’abolissons pas le repos dominical […], l’absence de travail de nuit pour les femmes […]… Ne serait-il pas plus rentable de laisser mourir les gens à partir d’un certain âge ? Le IIIème Reich n’a-t-il pas mené la politique la plus rationnelle en exterminant les handicapés et les gens qui avaient des maladies héréditaires ? »

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