Archives du mot-clé Capitalisme

Dazibao #43 : Christophe Esnault

LE SUICIDE EST-IL UNE SOLUTION ?

Couper la pellicule du film en cours de projection, quitter la séance, savoir la suite médiocre et vouloir mettre fin, interrompre. La solution est dans l’action et l’acte de vivre active les rouages nauséeux. Une addiction pour le spleen et la mélancolie. La haute estime que porte Dostoïevski à une petite et vieille femme qui l’a fait. L’homme le plus misérable grimpe toujours quelques marches quand il y parvient (une promotion en quelque sorte)… Se ranger dans une catégorie honorable. Prendre place dans une courbe statistique, une tranche d’âge, une méthode utilisée… Il y aura bien un sociologue pour vous prendre en considération dans un de ses tableaux… Vouloir exister en compromet plus d’un. Vouloir ne plus exister trahit également celui qui use du jeu extrême à dimension pragmatique variable. Le pistolet devrait être toujours chargé et posé sous l’oreiller. Lire la suite Dazibao #43 : Christophe Esnault

CoolMemory #11 : Facticide

L’information n’est pas le savoir, c’est le faire-savoir, auquel correspond le faire-semblant de savoir. La propagande, l’idéologie, la publicité, ce n’est pas le croire, c’est le faire-croire, auquel répond le faire-semblant de croire. La télévision, ce n’est pas du voir, c’est du faire-voir, auquel correspond le faire-semblant de voir etc.

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Nous sommes captifs de la facticité : du faire-voir, du faire-croire, du faire-valoir, du faire-vouloir. Nous ne sommes plus les agents directs de nos actes et de nos pensées. Seulement des véhicules hétéromobiles, ayant mis leurs fonctions vitales en pilotage automatique, et devenus indifférents à eux-mêmes. Simulating finality in transfinal process.

Terrordome #8 : Alain Badiou

La réconciliation du fils et de l’adulte, des fils et des parents, du fils et du père, ne peut [ainsi] se faire que par l’infantilisation de l’adulte. Elle est en apparence praticable, sinon qu’elle est retournée. Dans la mythologie chrétienne primitive nous avions l’ascension du fils. Ne nous sont plus proposés que des procès empiriques de descente des pères.

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Pour toutes ces raisons, le schéma dialectique contenu dans l’histoire de Freud est décomposé, d’où résulte qu’il n’y a pas de proposition claire quant à l’identification du fils. C’est ce qu’on peut appeler le caractère aléatoire de l’identité du fils dans le monde contemporain.

Il y a une rationalité de cet aléatoire. Lire la suite Terrordome #8 : Alain Badiou

CoolMemory #10 : Truffé d’eau

Des films entiers – la Femme d’à côté, Vivement Dimanche – sont devenus des objets publicitaires. Toute une classe, celle d’une culture métissée de gadgets techno – ou psychologiques – culture en forme de désir comme un air de musique en forme de poire -, la classe des cadres promus au fonctionnement de leur propre cerveau parce qu’on leur a dit qu’il ressemblait à un ordinateur, promus à l’expression de leur désir parce qu’on leur a dit qu’ils avaient un inconscient structuré comme un langage –

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c’est tout ça, cette luisance publicitaire de toute une subculture émue jusqu’aux larmes par sa propre convivialité, frissonnante de business, enrichie comme l’uranium, embellie des vestiges de l’autogestion et des stéréotypes de la communication – c’est tout ça qui passe dans la belle gueule de Fanny Ardant et dans le style moderniste, autopublicitaire, de Truffaut.

Dazibao #38 : Nathalie Quintane

Bien. Revenus, professions, courbes, métaphores, fournisseurs d’informations ne sont donc pas totalement suffisants à serrer les classes moyennes. On s’y attendait. Restent les valeurs et le mode de vie. C’est en général là qu’on se déchaîne – mais faire un peu patienter l’ordre du déchaînement lui permettra d’atteindre, si possible, une plus grande pertinence, et une plus grande efficacité.

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On retient invariablement trois éléments qui structurent façons de mentalité et de vie de ces classes, c’est-à-dire qui tournent en boucle jusqu’à donner du temps et de l’espace une sensation obsidionale : une même journée, avec les mêmes pensées éternellement reprises, dans un lieu contraint, toujours trop loin (trop loin des campagnes, trop loin des villes, qu’on formule trop loin de la Nature, trop loin du Centre-ville), lieu contraint, bien qu’on aille répétant parce qu’on a déjà déménagé trois fois que c’est un lieu choisi, et d’ailleurs qu’on a fait beaucoup d’efforts pour ça (une banlieue résidentielle, un jardinet, un pavillon en meulière – ce dernier moins probable, étant devenu presque clochard). Ces trois éléments sont :
l’école,
les biens culturels,
la stratégie résidentielle (justement). Lire la suite Dazibao #38 : Nathalie Quintane

CoolMemory #8 : Go Fast

Dans un sens, l’enfant est bien le prolongement de l’espèce. Mais dans un autre, il en est le vestige biologique.

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Plus nous avançons dans l’ordre du changement, de l’innovation génétique et de la mode, plus il devient irréel de s’en remettre, à chaque génération, au processus de la naissance et de la croissance organique d’un enfant. La naïveté, la lenteur de cet événement sont sans commune mesure avec notre expérience.

CoolMemory #6 : Aucun Boeing

Immobilisé avec sa famille depuis des heures sur l’autoroute, un touriste déclare : « oh vous savez, on est en vacances, alors qu’on soit ici ou sur la plage… ».
L’exigence d’être nulle part, tel est ce qui chasse les hordes sur les routes. Nulle part, c’est partout ailleurs que chez eux.

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Même chose pour le travail et le loisir : servitude ici, servitude ailleurs. Le moment de liberté est dans le passage d’une servitude à l’autre. Et, si on part, ce n’est pas pour effacer les huit heures quotidiennes de travail forcé, c’est pour compenser le fait de ne pas être forcé de travailler 24 heures sur 24, comme les cadres supérieurs qui, eux, n’ont pas besoin de vacances.

1985

Terrordome #7 : Auguste Blanqui

L’univers tout entier est composé de systèmes stellaires. Pour les créer, la nature n’a que cent corps simples à sa disposition. Malgré le parti prodigieux qu’elle sait tirer de ces ressources et le chiffre incalculable de combinaisons qu’elles permettent à sa fécondité, le résultat est nécessairement un nombre fini, comme celui des éléments eux-mêmes, et pour remplir l’étendue, la nature doit répéter à l’infini chacune de ses combinaisons originales ou types.

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Tout astre, quel qu’il soit, existe donc en nombre infini dans le temps et dans l’espace, non pas seulement sous l’un de ses aspects, mais tel qu’il se trouve à chacune des secondes de sa durée, depuis la naissance jusqu’à la mort. Tous les êtres répartis à sa surface, grands ou petits, vivants ou inanimés, partagent le privilège de cette pérennité. Lire la suite Terrordome #7 : Auguste Blanqui

CoolMemory #4 : Frigo ergo sum

Certains objets se répondent d’un bout à l’autre d’une culture, et s’il y avait un rapport entre les Soviets et l’électricité sous le signe de la Révolution, il y en a un autre entre l’inconscient et le congélateur sous le signe de l’Involution. De même qu’on frigorifie les nourritures, on procède dans l’inconscient à la glaciation mentale des pulsions et des signes, puis on extrait de temps en temps des phantasmes, des fragments de pulsions, des séquences de signifiant, qu’on peut d’ailleurs faire dégeler par le stade intermédiaire du subconscient, qui équivaut à celui du réfrigérateur – le psychanalyste, Grand Maître du Froid, procédant à la décongélation prudente des folies et des rêves dans son cabinet.

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Freud pensait apporter la peste aux USA, mais les USA ont victorieusement résisté au froid psychanalytique par la congélation réelle, la réfrigération mentale et sexuelle. A la magie noire de l’inconscient, ils ont opposé la magie blanche du défoulement, de la climatisation, de la stérilisation, de la frigidité mentale, des médiums froids de l’information.                                                    1981

Sink Tank #14 : Eric Hazan

La ligne de partage entre ce qui peut se régler ici et maintenant et ce qui relève d’un échelon plus élevé est souvent facile à tracer. Pour la santé publique, par exemple, on voit bien ce qui relève du lieu : la bonne distribution des dispensaires, des services d’urgence, des différentes spécialités hospitalières, la manière non autoritaire d’amener des praticiens dans les « déserts médicaux », de pallier le manque éventuel d’infirmières, d’anesthésistes, de sages-femmes… Du temps du capitalisme démocratique, c’était impossible car, disait-on, il n’y avait pas de crédits pour le faire.

Mais dès le moment où la santé cessera d’être un grand centre de profits, où la conduite des choses sera confiée à celles et ceux qui auront choisi d’y travailler, tout changera. Ce n’est pas de l’angélisme : après la révolution cubaine, on a vu la médecine de ce pays devenir la meilleure d’Amérique latine, la mortalité infantile baisser au niveau des pays industriels, le tout sans injection particulière de crédits. Lire la suite Sink Tank #14 : Eric Hazan

Rémanence #15 : la Maman et la Putain

Tu as recommencé à vivre, sans que l’angoisse t’étreigne… Tu es tranquille. Tu crois que tu te relèves, alors que tu t’accoutumes tout doucement à la médiocrité…

… Après les crises il faut vite tout oublier, tout effacer… Comme la France après l’Occupation, comme la France après Mai 68… Tu te relèves comme la France après Mai 68, mon amour !

(et pour ceux qui ne verront jamais ce joyau…)

Sink Tank #10 : Zygmunt Bauman

La technologie se développe parce qu’elle se développe : toute autre explication se rapproche dangereusement de la décoration idéologique ou des vœux pieux.

Ce sont les innovations technologiques qui recherchent désespérément des applications, désireuses qu’elles sont d’être des solutions, mais bien en peine de trouver des problèmes auxquels pourraient correspondre ces solutions.

(…et un petit bonus Terrordome : « les frontières entre ceux qui humilient et ceux qui sont humiliés se superposent aux frontières entre privilégiés et dominés. »)

Benjamineries #5 : Esthétique et politique

Au temps d’Homère, l’humanité s’offrait en spectacle aux dieux de l’Olympe ; elle s’est faite maintenant son propre spectacle.

Elle est devenue assez étrangère à elle-même pour réussir à vivre sa propre destruction comme une jouissance esthétique de premier ordre. Voilà quelle esthétisation de la politique pratique le fascisme. La réponse du communisme est de politiser l’art.

Plus à dire #16 : Ernst Bloch

Même celui qui se suicide, exécutant un acte qui le libère de tous les désirs inaccomplis et de tous les buts non atteints, n’a pas renoncé à ce que cette vie réclame de plus ;

car, ce qu’il a nié, ce n’est pas la volonté de vivre une vie meilleure dans la réalité : il a – paradoxalement – continué d’affirmer cette vie et s’est contenté de nier les conditions qui s’étaient imposées à son existence.

Ernst Bloch, l’Athéisme dans le christianisme

Benjamineries #4 : 49 nuances

Jamais je n’ai pu chercher et penser autrement que dans un sens théologique, c’est-à-dire conformément à la doctrine talmudique des 49 degrés de signification de chaque passage de la Torah.

Or, les hiérarchies du sens, la platitude communiste la plus rebattue les respecte davantage que l’actuelle profondeur bourgeoise, qui n’en tient qu’un seul, l’apologétique.

Terrordome #2 : Jean Baudrillard

Des événements mondiaux, nous en avions eu, de la mort de Diana au Mondial de football – ou des événements violents et réels, de guerres en génocides.

Mais d’événement symbolique d’envergure mondiale, c’est-à-dire non seulement de diffusion mondiale, mais qui mette en échec la mondialisation elle-même, aucun. Tout au long de cette stagnation des années 1990, c’était la « grève des événements » (selon le mot de l’écrivain argentin Macedonio Fernandez). Eh bien, la grève est terminée. Les événements ont cessé de faire grève.

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Plus à dire #13 : Imre Kertesz

Nous vivons à l’ère de la catastrophe, chaque homme est un porteur de la catastrophe, c’est pourquoi il nous faut un art de vivre particulier si on veut survivre.

L’homme de la catastrophe n’a pas de destin, pas de qualités, pas de caractère. Son environnement social effroyable – l’Etat, la dictature, appelle cela comme tu veux – l’attire avec la force d’un tourbillon vertigineux jusqu’à ce qu’il cesse de résister et que le chaos jaillisse en lui comme un geyser brûlant – et que le chaos devienne son élément naturel. Lire la suite Plus à dire #13 : Imre Kertesz

Sink Tank #1 : André Gorz

Vous assistez à quelque chose qui n’a jamais existé jusqu’ici dans l’histoire des civilisations, qui est de vouloir mettre la culture au service de la rentabilité économique. […]

Depuis toujours on appelle « culture » le réservoir d’interprétations, de normes, de traditions, de valeurs à partir desquelles se forment et se structurent votre sensibilité, vos goûts, votre sens du beau, du vrai et du juste. Lire la suite Sink Tank #1 : André Gorz